Pendant plus de deux décennies, Jim Carrey a fait exploser le box-office avec des comédies déjantées à l’humour régressif. Portrait d’un acteur inclassable.
En janvier 1992, à la mi-temps du Super Bowl, 22 millions de téléspectateurs américains – sur les 80 millions qui suivent alors la finale du championnat de football –, zappent sur In Living Color, un show télé créé deux ans plus tôt par les frères Wayans sur la chaîne privée Fox.. Ils viennent s’y tordre de rire devant un drôle de phénomène : un trentenaire originaire du Canada qui fait l’idiot avec une poignée d’acteurs afro-américains. Borderline et souvent censurés, leurs sketches asticotent par la satire une Amérique violente et raciste, celle-là même qui engendrera trois mois plus tard des émeutes sans précédent à Los Angeles après l’acquittement des policiers blancs ayant passé à tabac l’automobiliste noir Rodney King. Après avoir quitté son Ontario natal pour tenter sa chance à Hollywood au début des années 1980, Jim Carrey, passé par le stand-up dans un cabaret de Toronto, n’est qu’à l’aube de son ascension fulgurante. En 1994, Ace Ventura, détective chiens et chats de Tom Shadyac, The Mask de Chuck Russell et Dumb and Dumber des frères Farrelly, trois comédies à l’humour régressif, le propulsent au rang de star du box-office mondial…
Société grossière
Pendant plus de vingt ans, Jim Carrey a imposé son corps élastique et ses grimaces cartoonesques dans une myriade de productions populaires devenues cultes. Retraçant en archives et extraits de films la carrière d’un trublion du système hollywoodien qui rêva longtemps de soigner par l’humour une mère dépressive qui le plantait, enfant, devant la télé, Adrien Dénouette et Thibaut Sève dessinent en creux le portrait de l’Amérique en crise des présidences Bush, père et fils. Le documentaire passe aussi en revue la période Clinton, dont Jim Carrey a démasqué, avec force rires gras, le ségrégationnisme, les discriminations, le bon goût de façade ou l’écrasant pouvoir médiatique. Au final, il aura épinglé les travers d’une partie de la société américaine, devenue aussi grossière… que certains des gags de ses films. Après avoir pris des risques dans un registre plus inquiétant, notamment sous la direction de Peter Weir (The Truman Show, 1998) ou de Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, 2004), le Canadien, qui a fêté en janvier son soixantième anniversaire, se fait désormais plus rare sur les écrans, préférant s’adonner, en solitaire, à sa passion pour la peinture abstraite.
Documentaire d’Adrien Dénouette et Thibaut Sève (France, 2021, 52mn)
Disponible jusqu’au 01/02/2024
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