Voici le plus beau solo intégral de ma vie, un ride tellement improbable !...
Ce dimanche, je me suis levé ultra pas motivé... Comme depuis 2 mois, la météo n’était pas bonne. Je n’étais pas en forme. Et le coin que j’avais choisi pour rider est un truc abominable où je m’étais juré de plus jamais remettre une roue ! Et je partais seul. Mais bon, je me disais juste que j’avais besoin d’entrainement, donc go !
Cet endroit d’Ariège, le fond de la vallée de Soulcem, c’est le pire qui existe dans les Pyrénées (pour le vélo, évidemment). C’est très beau, sauvage, mais atroce ! Il n’y a que des terrains inroulables : énormes pierriers, pentes ultra raides, barres rocheuses partout... Ce sommet, le Pic des Bareytes, je l’avais tenté il y a 6 ans, et j’avais abandonné à la moitié : trop foireux ! Je ne sais pas pourquoi, j’ai décidé d’y revenir…
En plus, vous ajoutez que l’accès est trèèèèèès long ! Il y a une piste interminable interdite aux voitures qui remonte une vallée interminable. Du coup, démarrage par 500 m de D de pédalage ce qui, certains le savent bien, n’est vraiment pas mon truc. Et j’étais très chargé car j’étais tout seul et j’avais pris tout le matos pour filmer le matos de montagne complet, vu le secteur et la météo. Or, pédaler avec un sac à dos de trek, c’est pas ouf... J’ai quand même avalé les 500 m d’une traite sans pause.
En vérité, je peux le dire maintenant : je ne savais même pas quel sommet j’allais faire. J’avais plusieurs options, je m’étais dit : “on verra sur place, je prendrai la moins pire“. Et pour dire la vérité sur cette vérité : jamais je ne pensais avoir une chance d’arriver en haut.
Finalement, je reprends plus ou moins le même itinéraire qu’il y a 6 ans... enfin le début.
Je dépasse l’endroit où j’avais fait demi-tour des années avant et j’attaque le sérieux. Le vallon que je dois remonter est chaotique : que des barres rocheuses partout, avec des terrasses, des pierriers infranchissables... J’arrive tout de même à trouver l’itinéraire. Dans ce coin, il est censé y avoir un sentier, mais comme souvent en Ariège, ce sentier est quasi inexistant et les cairns très durs à suivre.
Dans le même temps, l’ambiance commençait à être intimidante : j’étais vraiment loin de tout, plus aucun réseau depuis 2 bonnes heures, des nuages inquiétant emprisonnaient les sommets… Et ce terrain on ne peut plus accidentogène… Bref, j’avais tous les ingrédients. Mais je ne sais pas pourquoi, j’étais zen, j’avançais tranquille, tout en me disant que je n’avais aucune chance de réussite.
Le terrain lui, en tout cas, devenait de pire en pire. A chaque ressaut, je me dis que je vais devoir abandonner... Mais en fait, non, je constate que tout peut potentiellement passer à la descente. Enfin passer… Oui, passer, avec un max de concentration et en étant très en forme. Franchement, à ce stade, j’ai hésité dix fois à abandonner ! Mais je continue. Un peu stupidement ? Chacun en jugera.
Le sommet reste dans la brume devant moi, impossible de savoir par où l’attaquer. Tout ce que je vois, ce sont des amorces de falaises quasi verticales. Sur la droite, je crois deviner un couloir qui monte droit dans la face, mais impossible de dire, tout est dans les nuages. C’est beaucoup trop incertain, et ça semble bien trop raide. Je décide donc de pousser jusqu’au col d’Arinsal. Juste histoire d’avoir la vue côté Espagne. Mais au pied du col, j’avise une écharpe très raide qui monte en diagonale vaguement vers ce qui pourrait être le sommet. Je me dis : “mmmh, si ça se trouve, elle rejoint le couloir que j’ai cru deviner…“ Du coup, j’abandonne le col et je pars sur cette pente suspendue où rien ne tenait. J’ai dû monter comme si j’avais des crampons sur une pente de neige (mais avec le vélo en plus…). Et quand j’arrive en haut de l’écharpe et que la pente se dévoile devant moi... Mon dieu !! Le couloir était juste là, à 150 m. A travers les rubans de brume, je devine qu’il est continu. C’est magnifique. Et impressionnant… La pente coincée entre des falaises qui se raidit de plus en plus et dont tu ne vois pas la fin... Le même type de sensation de gaz qu’en ski extrême. C’était à la limite du faisable à vélo... Mais d’un coup, shoot d’adrénaline et je me dis “banco !“
J’enchaine jusqu’au sommet. La fin est infernale. j’étais à plus de 1300 m de D , en charge max, et sur un terrain de pierrier délité atroce qui compte double... Et je n’ai fait que 3 pauses jusque-là ! Mais je ne sais pas pourquoi, je me sentais bien. C’était MA montagne, pour moi tout seul. Elle m’acceptait, je le sentais. Je l’ai gravie à l’intuition, sur une face que je ne connaissais pas dans la brume et les barres, et ça passe ! En plus, la descente semble mythique !
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