Si le monde entier est rempli d’épines,
Le cœur de l’amoureux est une roseraie.
Si la roue céleste cessait de tourner,
Le monde des amoureux continueraient à se mouvoir.
Si tous les êtres devenaient tristes, l’âme de l’amoureux
Resterait fraîche, vivante et légère.
Où y a-t-il une chandelle éteinte ? Donne-la à l’amoureux,
Car il détient cent mille lumières.
Si l’amoureux est solitaire, pourtant il n’est jamais seul :
Il a pour compagnon le Bien-Aimé caché.
C’est de l’âme que provient l’ivresse des amants :
Le compagnon de l’amour demeure dans le secret.
L’amour ne se satisfait pas de cent promesses,
Car innombrables sont les ruses des beautés.
Si tu trouves l’amoureux sur un lit de souffrance,
Le Bien-Aimé n’est-il pas au chevet du malade ?
Monte sur le coursier de l’amour, et ne crains pas la route ;
Le coursier de l’amour connaît bien le chemin :
D’une seule foulée, il t’amènera à ta demeure,
Bien que la voie ne soit pas sans obstacles.
L’âme de l’amoureux dédaigne la nourriture de l’animal ;
C’est le vin qui seul peut rassasier son âme
Grâce à Shams-od-Dîn de Tabrîz (1), tu possèderas
Un cœur à la fois ivre et parfaitement lucide.
Odes mystiques, du mystique persan,
influencé par le soufisme,
Djalāl ad-Dīn Muḥammad Rūmī (1207-1273).
L’année 2007 fut proclamée par l’Unesco en son honneur
pour marquer le huitième centenaire de sa naissance.
(1) La plupart de ses écrits lui ont été inspirés par son meilleur ami,
Shams-od-Dîn - ‘soleil de la religion’ - de Tabrîz,
derviche errant, moine pratiquant la voie ascétique soufie.
Il apparaîtra pour Rûmî comme le maître spirituel tant attendu.
Il lui consacrera son ouvrage ‘Odes mystiques’.
Cet ami mourra assassiné. Sans doute, par des disciples jaloux.
Un des fils de Rûmî sera soupçonné.
Inconsolable, Rûmî institue le fameux concert spirituel, le ‘samâ’,
comme union liturgique avec le divin,
menée par l’émotion ou l’ivresse de la musique et de la danse,
afin de retrouver son ami et son maître,
non pas dans le monde, mais en lui-même.
« Dans les cadences de la musique est caché un secret ;
si je le révélais, il bouleverserait le monde », disait Rûmî,
également fondateur de la confrérie des Mawlavîs,
connus en Occident sous le nom de ‘derviches-tourneurs’.
Et il ajoutait, en parlant du rebab : « ce n’est que corde sèche,
bois sec, peau sèche, mais il en sort la voix du Bien-Aimé ».