A te la Corsica regina (Chjami) - In memoria Yvan Colonna

A tè la Corsica regina (Chjami Aghjalesi) - In memoria Yvan Colonna Croire à l’innocence d’Yvan Colonna n’est pas une atteinte à la mémoire de Claude Erignac c’est une lutte contre l’injustice. Pourquoi Yvan Colonna reste-t-il suffisamment emblématique pour déclencher les passions et pour réactiver dans l’île la haine de l’État ? Le 6 février 1998, à Ajaccio, devant le Kalliste, trois coups de feu retentissent. Le préfet Érignac s’effondre. Les témoins voient deux personnes dont un homme blond qui tient l’arme. La scène de crime est expédiée : quelques heures après l’assassinat, le trottoir est lavé et le périmètre de sécurité levé. Au journal télévisé de TF1 du 7 février, un passant brandit une balle récupérée sur les lieux. La police arrive rapidement. À toutes fins utiles, trois Maghrébins sont placés immédiatement en garde à vue. Démétrius Dragacci, le chef du SRPJ, s’oriente immédiatement vers des suspects nationalistes. Mais l’arme du crime abandonnée sur place est un Beretta 9mm dérobé à la caserne de gendarmerie de Pietrossela. Sur ce volet, l’enquête dépend des gendarmes. Jacques Chirac remplace Érignac, homme de dialogue, par Bernard Bonnet, un dur, mais qui ne comprend rien à l’île et deviendra la risée des Corses avec sa tentative d’incendie de la paillotte « Chez Francis ». Débarquent les Parisiens et le flic de choc Roger Marion, patron de la division nationale antiterroriste. Avec son équipe, il considère que lui seul est capable. Il récuse la piste Dragacci, postule que les coupables sont des agriculteurs, ne va pas en démordre et interpellera 347 personnes. Ces interpellations en rafale laissent supposer une culpabilité collective et hérissent l’opinion. Un nationaliste corse, Marcel Lorenzoni, est arrêté. Il sera disculpé. Deux autres suspects, Andriuzzi et Castela, sympathisants du FNLC, seront inculpés. Condamnés à trente ans de réclusion criminelle en première instance, ils seront acquittés du meurtre en appel. De son côté, la gendarmerie, furieuse de son dessaisissement, continue d’enquêter en coulisses à l’initiative de Bonnet, à qui on n’a pourtant rien demandé. Bonnet affirme recevoir des renseignements d’un certain Corte, qui lui livre des noms : Castela, Andriuzzi et Ferrandi, chef du commando. De fil en aiguille, d’autres tête tombent : Didier Maranelli et Marcel Istria. Leurs portables les confondront en démontrant leur présence sur les lieux du crime. Mais Yvan Colonna n’apparaît nulle part. Ce sont les femmes également arrêtées puis Maranelli qui vont lâcher son nom en l’accusant d’être le tireur. L’affaire se pervertit encore avec la campagne présidentielle de Sarkozy qui pavoise, nécessité électorale oblige, en livrant au public le nom de Colonna, d’ores et déjà coupable avéré. Bref, avant tout jugement, la culpabilité du berger était indiscutée. Aux dires de son épouse, COLONNA N’AVAIT PAS MATÉRIELLEMENT LA POSSIBILITÉ D’ÊTRE AVEC LE COMMANDO. Mais Colonna, doutant de l’impartialité de l’enquête, surtout après les déclarations de Sarkozy, prend le maquis, ce qui signe sa culpabilité. En janvier 2001, dans un message aux journaux, il se défend avoir assassiné le préfet et d’avoir fait partie du commando. Dès 2000, LES MEMBRES DU COMMANDO SE RÉTRACTENT ET LE DISCULPENT. Les accusés affirment avoir été soumis à des pressions pendant leur garde à vue : « Tout nous a été dicté. » Une reconstitution s’imposait. Elle n’aura pas lieu. Lors du procès en appel, Alessandri réitérera l’innocence du berger mais, là encore, pas de reconstitution. - Dommage, car LES TÉMOINS PRÉSENTS LE SOIR DU CRIME NE RECONNAISSENT PAS COLONNA. Tous ne voient que deux hommes, pas trois. LE TIREUR EST DÉCRIT GRAND, BLOND AVEC RAIE AU MILIEU, BARBE NAISSANTE DE LA COULEUR DES CHEVEUX, VISAGE FIN, PETITS YEUX ENFONCÉS, REGARD PERÇANT, BOUCHE FINE ET ÉTIRÉE, PLIS ENTRE LE NEZ ET LA COMMISSURE DES LÈVRES. Ces témoignages n’ont jamais varié malgré les pressions. - Dommage, car L’EXPERTISE BALISTIQUE LAISSE PENSER QUE LES TIRS ÉTAIENT INCOMPATIBLE AVEC LA TAILLE DE COLONNA (TROP PETIT). Scène de crime bâclée, dessaisissement des services compétents, instruction brouillonne, précipitation dans les interpellations, informateurs mystérieux, mépris des services locaux, guerre des polices, guerre des magistrats, le tout sur fond de campagne électorale présidentielle : l’attentat va illustrer jusqu’à la caricature l’incapacité brouillonne des autorités de l’État, au point qu’elle effarera le Sénat. La chambre haute s’en saisira et pointera les incohérences de l’enquête dans un rapport parlementaire édifiant. Consécutif à l’attentat, il reste malheureusement d’actualité. De tout ce gâchis, que reste-t-il ? Des accusations mais rétractées, pas de reconstitution et AUCUNE PREUVE DIRECTE CONTRE COLONNA, qui n’a jamais cessé de clamer son innocence. Venant après le refus systématique de toutes ses demandes, son assassinat est la faute de trop.
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